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Choisir le prestataire sur la base de l’offre intermédiaire : possible en cas de circonstances exceptionnelles
lLes contentieux entre les agents publics conduisent souvent l’administration à devoir prendre position pour assurer la sécurité et santé des agents.
En particulier, les demandes de protection fonctionnelle adressés par des agents estimant être victimes d’agissements répréhensibles d’autres agents obligent l’administration à se positionner et, le cas échéant, à y donner suite en agissant.
Or, lorsque l’administration initie une procédure contre l’agent désigné, ce dernier ne manquera pas de s’intéresser aux écrits et déclarations des autres agents le plaçant en délicatesse.
C’est dans ce cadre que se pose la question du caractère communicable de ces éléments et plus particulièrement des demandes de protection fonctionnelle des agents.
Saisi du pourvoi d’un agent qui se plaignait de s’être vu refuser la communication de ces éléments, le Conseil d’Etat vient refermer la porte à la communication de ces écrits qui auraient pu, le cas échéant, placer en difficulté les agents auteurs des demandes de protection (CE, 11 mars 2024, M. D…, n° 454305).
En l’espèce, l’agent sollicitait la communication des demandes de protection fonctionnelle des agents avec lesquels il était manifestement en conflit, ainsi que la communication d’une plainte portée par l’un de ces agents.
Le Conseil d’Etat refuse sèchement cette possibilité en rappelant que l’article L 311-6 du code des relations entre le public et l’administration prévoit plusieurs des exceptions dans lesquelles le droit à la communication d’un document est limité à l’intéressé :
- lorsque la communication porte atteinte au droit à la vie privée, au secret médical ou au secret des affaires ;
- lorsque le document porte une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique identifiable ;
- lorsqu’elle fait apparaître le comportement d’une personne et que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice.
Or, s’agissant d’une demande de protection fonctionnelle, le Conseil estime qu’elle « fait apparaître son comportement au sens et pour l’application des dispositions du 3° de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration ».
La juridiction précise que « La divulgation à un tiers d’une telle demande doit être regardée comme étant, par elle-même et quel que soit son contenu, susceptible de porter préjudice à son auteur, qui a seul qualité de personne intéressée au sens des mêmes dispositions. »
La demande de protection n’est donc communicable qu’à son auteur.
Le Conseil d’Etat étend ici sa position concernant les témoignages dont seuls les auteurs peuvent être regardés comme intéressés (CE 21 septembre 2015, M. Roger R…, n°369808).
Surtout, le Conseil d’Etat pose un principe général de non-communicabilité de ces demandes sans qu’il soit besoin de vérifier, au cas par cas et selon le contenu, que leur transmission pourrait porter préjudice à leur auteur.
Non seulement, le Conseil d’Etat libère les administrations d’un poids, et d’un risque contentieux grâce à ce principe posé, mais il veille également à assurer les agents victimes d’agissements qu’ils dénoncent que leur saisine ne les expose pas à un risque de représailles.
Comme le souligne le rapporteur public dans ses conclusions, il y aurait eu contradiction entre la volonté actuelle d’inciter les agents à se manifester pour mettre fin aux agissements de harcèlement de toute sorte et la communication de ces demandes à l’auteur des faits dénoncés.
La solution s’imposait donc au regard de la volonté de protéger la libération de la parole des agents et de la nécessité de circonscrire le contentieux éventuel à un litige opposant l’administration à son agent.
Certes, le Conseil d’Etat ne se prononce pas sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L 311-3 du CRPA au motif qu’il n’est soulevé qu’au stade de la cassation. Toutefois rien ne permet de croire que l’accueil du moyen aurait conduit à une solution différente.
En effet, l’article garantit à toute personne le droit de connaître « les informations contenues dans un document administratif dont les conclusions lui sont opposées ».
Néanmoins, les demandes de protection fonctionnelle ne comportent aucune « conclusion » de sorte qu’elles ne constituent pas un document visé par ces dispositions.
Plus encore, on imagine mal que le Conseil d’Etat qui, par cet arrêt, aligne le traitement de ces demandes sur celui réservé au témoignage s’agissant de la détermination de l’intéressé, opte pour une solution différente s’agissant de la prévalence de la nécessité de protection de l’article L 311-6 sur la possibilité de communication prévue à l’article L 311-3 comme il l’a déjà fait.
Rien ne permet donc de croire que la solution aurait été différente si le moyen avait été soulevé au stade de la première instance.
Enfin, le Conseil confirme sa jurisprudence relative à l’absence de caractère communicable des plaintes (CE 5 mars 2018, n° 401933).
Il considère en effet que les plaintes constituent « la première étape de la procédure pénale et se rattachent, dès lors, à la fonction juridictionnelle » excluant, donc, que l’on puisse y voir un document administratif pouvant faire l’objet d’une communication.