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Fin de détachement du fonctionnaire territorial : allocation chômage et périmètre de réintégration
Le Conseil d’Etat est venu préciser les motifs pour lesquels un fonctionnaire territorial ne peut pas, sauf hypothèses limitées, bénéficier de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) à l’issue d’un détachement (CE, 29 novembre 2023, CCAS de Jarville-la-Malgrange, n°470421)
Loin d’être exclus du mécanisme de protection face à la perte d’emploi, les agents publics peuvent, fort heureusement, bénéficier d’une ARE lorsqu’ils se trouvent être involontairement privés d’emploi.
En effet, l’article L 5424-1 du code du travail étend aux fonctionnaires le bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi :
« lorsque leur privation d’emploi est involontaire ou assimilée à une privation involontaire ou en cas de cessation d’un commun accord de leur relation de travail avec leur employeur, et lorsqu’ils satisfont à des conditions d’âge et d’activité antérieure, dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 ».
Le fonctionnaire involontairement privé d’emploi bénéficiera donc d’une allocation chômage compensant partiellement sa perte de rémunération.
Toutefois, le cadre juridique applicable aux agents publics implique qu’ils puissent se trouver dans des situations manifestement plus ambigües que celles des salariés de droit privé.
En effet, ceux-ci peuvent être privés de rémunération sans, pour autant, que leur lien avec leur administration ait été rompu. Tel est notamment le cas du fonctionnaire temporairement exclu de ses fonctions qui, ayant vocation à réintégrer son emploi à l’issue de la période d’exclusion, n’’en est donc pas privé ce qui exclut la possibilité de prétendre au bénéfice d’une ARE (CE, 3 juin 2019, n° 424377).
I La clarification des cas permettant de disposer d’une allocation chômage après un détachement :
La situation du fonctionnaire détaché sollicitant sa réintégration illustre également la singularité du cadre juridique des agents territoriaux.
De fait, l’agent sollicitant sa réintégration se trouve bien être, de prime abord, privé d’emploi.
Le Conseil d’Etat rappelle néanmoins que l’agent bénéficie alors d’un régime protecteur qui rend inutile le recours au mécanisme de l’ARE.
En effet, le fonctionnaire territorial qui était détaché dispose d’un droit à la réintégration sur la première vacance ou création d’emploi correspondant à son grade ou son établissement d’origine.
A défaut de poste disponible, les articles L 513-26, L. 542-4 et L. 542-5 du code général de la fonction publique imposent de le maintenir en surnombre pendant une durée d’un an tout en mettant en œuvre des mécanismes visant à lui offrir une nouvelle affectation :
- proposition en priorité de tout emploi créé ou vacant correspondant à son grade ;
- étude de la possibilité de le détacher ou de l’intégrer sur un emploi équivalent d’un autre cadre d’emplois ;
- examen des possibilités de reclassement, en parallèle de celui mené par la délégation régionale ou interdépartemental du Centre nationale de la fonction publique territoriale et le centre de gestion.
A l’issue de cette période, le fonctionnaire est pris en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale ou par le centre de gestion.
Pendant ces périodes, l’agent bénéficie d’une rémunération. Dès lors, il ne saurait solliciter le bénéfice de l’ARE qui vise à compenser une perte de rémunération.
En ce sens, l’article L 542-15, applicable lorsque le fonctionnaire est pris en charge par le CNFPT ou le CDG prévoit un mécanisme de rémunération bien plus favorable que celui applicable aux salariés puisque « Le fonctionnaire territorial pris en charge perçoit la première année l’intégralité de sa rémunération correspondant à l’indice détenu dans son grade. Cette rémunération est ensuite réduite de 10 % chaque année. »
Un cumul de cette rémunération avec l’allocation chômage est évidemment exclue.
Ce n’est ainsi qu’à l’issue de la période de prise en charge financière que l’agent pourra bénéficier de cette allocation si l’administration, qui doit alors opérer un choix entre licenciement et mise à la retraite, opte pour le licenciement.
Le point ne soulève aucune difficulté dans la mesure où l’article L 542-24 du CGFP dispose expressément que l’agent bénéficiera d’une ARE, qui devra être remboursée par sa collectivité d’origine.
Restait alors à s’interroger sur le cas particulier du fonctionnaire placé en disponibilité d’office en raison de son refus d’accepter un poste proposé par son administration alors qu’il était en surnombre.
Le Conseil d’Etat rappelle alors le principe gouvernant le bénéfice de l’ARE : seuls peuvent en bénéficier, les agents involontairement privés d’emploi.
Or, tel n’est pas le cas de l’agent qui refuse un poste sauf, par exception, si ce refus repose sur des motifs légitimes.
II La possibilité de réintégrer un agent du CCAS sur un poste au sein de la Ville après un détachement :
Le Conseil d’Etat devait alors se prononcer sur une autre situation singulière : celle d’un fonctionnaire d’un Centre communal d’action social (CCAS) ayant refusé un poste au sein de la Ville dont dépendait ce CCAS.
Juridiquement, les deux entités constituent autant de personnalités juridiques distinctes.
Or, le code général de la fonction publique prévoit expressément une réintégration dans la collectivité ou l’établissement d’origine.
L’article L 513-24 du CGFP dispose en effet :
« Au terme d’un détachement de longue durée, le fonctionnaire territorial est, sauf intégration dans le cadre d’emplois ou corps de détachement, réintégré dans son cadre d’emplois et réaffecté à la première vacance ou création d’emploi dans un emploi de son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d’origine. »
Il apparaissait légitime de déduire de ces dispositions que l’agent ne pouvait, au titre de la période où il était placé en surnombre, n’être réintégré qu’au sein du CCAS et non de la Commune qui constitue juridiquement une administration tierce.
Faisant œuvre de pragmatisme, le Conseil d’Etat juge qu’un CCAS se trouve dans une situation très particulière compte tenu des liens institutionnels particuliers l’unissant à la Commune dont le Maire préside le conseil d’administration.
Il considère que l’importance de ces liens et la situation de dépendance institutionnelle du CCAS vis-à-vis de la Commune doit conduire à considérer qu’un emploi au sein de la commune constitue bien un emploi « relevant de sa collectivité ou établissement d’origine ».
Ce faisant, le Conseil d’Etat étend donc le champ de réintégration des fonctionnaires territoriaux qui pourront désormais être indifféremment réintégrés au sein des services du CCAS ou de la Ville sans que cette seule distinction constitue un motif légitime au refus de l’agent.
Il ne fait aucun doute que le Conseil privilégie ici l’interprétation large des textes pour mieux garantir l’objectif poursuivi par l’ensemble des dispositions du même chapitre : permettre et encourager la reprise au plus tôt d’un emploi conforme à son grade par l’agent.