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Contrats et droit à l’information des élus

Il ne fait aucun doute que les conseillers municipaux disposent d’un droit d’être informés des contrats conclus par la Commune sur lesquels ils sont amenés à délibérer.

L’arrêt du Conseil d’Etat rendu le 13 octobre 2023 a, néanmoins, de permis de préciser les contours de l’obligation de communication des éléments relatifs au contrat soumis à l’appréciation du conseil municipal (CE, 13 octobre 2023, Collectif aletois gestion publique de l’eau actions sur le Limousin et le Saint-Hilairois, n° 464955).

Le droit pour les conseillers de disposer des éléments d’information relatifs au contrat à conclure, en l’espèce une délégation de service public, repose sur une double obligation présente au sein de l’article L 2121-12 du code général des collectivités territoriales.

En effet, ledit article impose une obligation générale d’information prenant la forme d’une note de synthèse destinée à offrir aux conseillers une information leur permettant de voter de manière éclairée :

« Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal […] »

Le même article ajoute néanmoins une obligation spécifique en matière contractuelle :

« Si la délibération concerne un contrat de service public, le projet de contrat ou de marché accompagné de l’ensemble des pièces peut, à sa demande, être consulté à la mairie par tout conseiller municipal dans les conditions fixées par le règlement intérieur […] »

Le requérant déduisait de la combinaison de ces dispositions que le Maire était tenu d’adresser, à chacun des conseillers, le projet de contrat de DSP dans le délai de quinze jours avant la réunion du conseil municipal pour que ce dernier puisse valablement délibérer sur l’engagement de la Commune.

Le Conseil rappelle, comme à son habitude, que le défaut de transmission de la note de synthèse ou son insuffisance est susceptible d’entacher d’irrégularité la délibération adoptée par le Conseil municipal, à moins que les membres n’aient été destinataires des documents leur permettant de disposer d’une information suffisante pour « exercer utilement leur mandat » (CE, 14 novembre 2012, Commune de Mandelieu-la Napoule, n° 342327).

Reste que le texte précité de l’article L 2121-12 du CGT, s’il impose la transmission d’une note de synthèse, n’impose que la possibilité pour tout conseiller de consulter les documents contractuels.

Le Conseil d’Etat confirme qu’on ne saurait exiger plus en jugeant que :

« Lorsque la délibération concerne une convention de délégation de service public, tout conseiller municipal doit être mis à même, par une information appropriée, quinze jours au moins avant la délibération, de consulter le projet de contrat accompagné de l’ensemble des pièces, notamment les rapports du maire et de la commission de délégation de service public, sans que le maire ne soit tenu de notifier ces mêmes pièces à chacun des membres du conseil municipal. »

Le Conseil se refuse donc à imposer une obligation de transmettre le projet de contrat et à juger que le seul défaut de communication des documents contractuels pourrait, à lui seul, entacher d’irrégularité la délibération.

Il ne manque, toutefois, pas de revenir sur l’appréciation particulièrement sévère de la Cour administrative d’appel qui avait estimé que le défaut de transmission du projet était sans incidence sur la légalité de la délibération dès lors que le requérant ne pouvait démontrer que cette absence aurait eu une incidence sur le vote.

Un tel raisonnement laissait, en effet, la porte ouverte au risque de multiplication des refus de communication des projets de contrat aux membres de l’opposition municipale.

C’est fort légitimement que le Conseil d’Etat sanctionne cette interprétation des textes en rappelant que si le Maire n’est pas tenu de transmettre spontanément les documents aux conseillers, ces derniers doivent nécessairement pouvoir y accéder avant le vote afin d’exercer leur mandat en disposant de l’ensemble des informations nécessaires.

En adaptant la célèbre formule de son arrêt Danthony, le Conseil d’Etat juge que le conseiller qui n’a pu obtenir communication des éléments contractuels a été « privé d’une garantie ». En ce cas, le vice doit alors emporter l’annulation de la délibération.

Dès lors, il importe donc de veiller à permettre à tous les conseillers de pouvoir accéder, dans le respect du délai de quinze jours, à l’ensemble des documents contractuels au risque d’entacher la délibération d’illégalité.