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La résiliation aux frais et risques d’un marché public de travaux

Face à la défaillance d’un titulaire, l’acheteur public dispose de plusieurs armes, la résiliation aux frais et risques constituant sans aucun doute l’une des plus menaçantes pour le titulaire.

En effet, l’article 50.3 du CCAG travaux stipule que le maître d’ouvrage peut résilier un contrat lorsque le titulaire « ne s’est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l’objet d’une constatation contradictoire et d’un avis du maître d’œuvre, et si le titulaire n’a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l’exécution des travaux ».

Le même article précise que la résiliation peut alors être « soit simple, soit aux frais et risques du titulaire ».

Le CCAG encadre, néanmoins, strictement cette procédure exceptionnelle par ses effets.

I La mise en œuvre :

L’article 52 du CCAG travaux précise la procédure qui s’impose préalablement à la résiliation aux frais et risques.

Celle exige d’abord une mise en demeure adressée au titulaire de se conformer aux stipulations du marché ou aux ordres de service dans un délai déterminé qui ne peut, sauf urgence, être inférieur à quinze jours à compter de la réception du courrier.

Le juge administratif impose que le maître d’ouvrage fasse état de manquements précis reprochés au titulaire et que soit précisément identifiées les actions attendues de sa part. De même, le maître d’ouvrage doit être explicite quant à la sanction encourue dans le cas où il ne serait pas satisfait à sa mise en demeure (CE, 26 novembre 1993, n°85161).

Si le titulaire défère à cette mise en demeure, l’efficacité de la menace exclut la possibilité pour le maître d’ouvrage d’aller plus loin, celui-ci ayant obtenu satisfaction.

A défaut, il lui est évidemment possible de poursuivre la procédure en mettant à exécution la menace portée par la mise en demeure.

Le titulaire devra alors être convoqué pour que soit constatés les travaux exécutés qui feront l’objet d’une réception ainsi que les approvisionnements existants. Doit également être fait l’inventaire du matériel du titulaire et procéder à la remise du matériel non nécessaire à l’achèvement des travaux.

Précisons qu’existe aussi la possibilité pour le maître d’ouvrage de recourir aux services d’une entreprise tierce pour poursuivre les travaux aux frais et risques du titulaire sans, pour autant, résilier le contrat. Cette mesure peut constituer une alternative intéressante si la résiliation n’apparaît pas justifiée au regard des travaux restant à accomplir ou de l’importance des défaillances litigieuses.

II Le suivi du marché de substitution :

La résiliation aux frais et risques implique que l’acheteur sélectionne un nouveau titulaire en vue de lui confier l’achèvement des travaux qui se réaliseront aux frais et risques du titulaire défaillant.

Ce dernier doit donc impérativement pouvoir suivre le marché afin de préserver ses intérêts dès lors qu’il est nécessairement concerné par le coût final de l’opération et par les désordres qui pourraient survenir à l’occasion de ce nouveau marché (CE, 9 juin 2017, Sté Entr, n° 399382 ; v. aussi article 52.5 du CCAG Travaux).

Le juge administratif considère, en ce sens, qu’il dispose du droit de pouvoir vérifier que le nouveau marché ne porte que les prestations du marché initial qu’il n’avait pas exécuté et qu’il puisse en surveiller la bonne exécution (CE Sect., 10 juin 1932, Sieur Bigot, Rec. p. 572.)

Le titulaire du contrat résilié donc doit impérativement être tenu informé de la nouvelle procédure de passation du marché de substitution qui lui est adressé pour information, mais il doit également être mis en mesure de pouvoir suivre l’exécution du contrat conclu avec son remplaçant.

Le Conseil d’Etat est, cependant, venu récemment préciser qu’il n’appartenait pas pour autant à l’administration de communiquer les pièces justifiant de la réalité des prestations effectuées en l’absence de demandes expresses en ce sens du titulaire défaillant (CE, 5 avril 2023, Ministre des Armées, n°463554).

A défaut, l’acheteur ne pourra lui faire supporter les surcoûts résultant de l’exécution de ce nouveau marché.

III la liquidation du marché résilié :

Dernière spécificité : dès lors que la résiliation aux frais et risques tend à mettre à la charge du titulaire défaillant, la liquidation du marché ne saurait intervenir dès après la résiliation.

Afin de porter à la charge du titulaire défaillant, les surcoûts engendrés par le marché de substitution, ce dernier doit être lui achevé.

L’article 51 du CCAG travaux prévoit donc que, par exception, le décompte de résiliation du marché ne sera adressé qu’après règlement définitif du nouveau marché passé pour l’achèvement des travaux.

Seront alors mis à la charge du titulaire les excédents de dépenses qui résultent du nouveau marché, ces sommes étant prélevées sur les sommes qui pourraient lui être dues ou sur les suretés prévues au marché, le reliquat pouvant faire l’objet d’une action en permettant de recouvrer les sommes qui resteraient dues.

En outre, le CCAG Travaux exclut expressément qu’une hypothétique diminution des coûts ne puisse profiter au titulaire défaillant.